Le paysage idéalement abstrait de hautes herbes et de feuillages d’un site perdu des hauts plateaux d’Ardèche fournit à Bertrand Henry la réserve d’effets visuels dont chacune de ses œuvres effectue la lecture de mémoire.
A la recherche de la sensation retrouvée du paysage, son travail se place sous le signe sombre du principe de répétition. Ces dernières années, consacrées principalement à l’art de l’encre et du pinceau, il expérimente le rapport d’urgence entre la course du noir de l’encre sur la feuille et son ressaisissement par le pinceau à la poursuite de sa propre trace.
La motion conservatrice enveloppée par la pulsion qui commande à la re-création du paysage réclame également que celle-ci soit sans cesse affinée, épurée : que ce qui est fait soit défait et refait, de manière que l’image mentale insiste à travers le processus de création des œuvres qui en présentent autant d’états. Dans le droit fil de cette exigence, le procédé du rinçage de la feuille avant séchage de l’encre instaure la reprise illimitée du trait en continuité avec les empreintes successives déposées sur la feuille. L’estompe au chiffon ou à la main, le gommage, le grattage et les hachures pratiquées à la lame de rasoir ou au cutter, peuvent intervenir au cours du travail ou encore pour marquer un état d’achèvement par leurs scansions.
Robert Albouker
Novembre 2015